Lundi 7 Mars

Caliel pinça les lèvres en voyant la réaction de surprise de Noah. C’était normal, quel genre de fille oubliait un être aimé et l’énonçait à voix haute sans même sembler troublée ? Pourtant, elle ne voulait pas avoir l’air d’une goule sans cœur… C’était juste… un fait. Malheureusement, ça, Noah l’ignorait et on ne pouvait pas dire que ça jouait en sa faveur. Devrait-elle s’expliquer un peu concernant sa réaction ? Ça revenait à avouer à un inconnu qu’elle était amnésique. Et pas un simple visage dans la foule, non, un homme qui lui plaisait. « Salut, moi c’est Caliel, amnésique et sans amis ». Pas terrible comme approche… Déjà qu’elle lui avait joué une scène d’horreur un peu plus tôt… Son capitale sympathie ne pouvait pas la sauver de tout, surtout après l’avoir déjà autant entamé. Non, mieux valait qu’elle garde sa psychose pour elle…

D’ailleurs, à voir la manière dont il s’était rembrunit, il était évident qu’elle avait déjà beaucoup trop abusé de sa gentillesse. A toujours lui poser dix milles questions, elle ne l’avait pas laissé en paix une minute ! Pour une première dans cet établissement, on pouvait dire qu’il avait été baptisé ! C’était à espérer qu’il n’était pas venu ici dans le but de trouver la quiétude et le silence sinon, il devait-être réellement déçu… Il n’empêche qu’elle voulait quand même saluer le fait qu’il soit unique en son genre, tentative maladroite de lui dire ce qu’il lui inspirait mais tout à fait sincère. C’est pourquoi elle acquiesça légèrement amusée en entendant sa réaction. Ce n’était pas surprenant que le moule soit cassé, des comme lui, elle n’en avait jamais rencontré d’autres. Et même si elle trouvait ça dommage, il y avait aussi un côté satisfaisant à savoir qu’elle avait rencontré un homme unique.

Ce qui était bien moins agréable, c’était de se rendre compte qu’il allait repartir comme il était venu. La laissant dans cette auberge à se demander si elle aurait du dire ou faire les choses autrement… Et ensuite, elle en viendrait à douter d’avoir réellement rencontré cet homme. Cette pensée fit se serrer le cœur de la sorcière tandis que son visage laissait sans doute apparaître sa déception à l’idée qu’il veuille partir. Et pourtant, c’était dans l’ordre des choses, elle le savait. Qui était-elle pour ainsi vouloir le retenir encore ? Il était attendu ailleurs alors qu’elle, devrait retourner à ses verres… Alors quand il sortit de quoi la payer, Caliel écarquilla les yeux et lui remit le tout dans la main.

« C’est offert ! Pour avoir illuminé ma journée… »

Il était hors de question qu’elle accepte son argent après s’être incrustée comme ça à sa table. Et même si elle ne devait jamais le revoir, ce qu’elle n’espérait vraiment pas, elle avait envie que ce moment passé ensemble reste comme un partage. Et pas comme une transaction habituelle pour elle.

« Merci Noah de m’avoir permis de passer du temps en votre compagnie… J’espère avoir l’occasion de vous revoir bientôt… »

Se mordant la lèvre, elle plongea son regard dans le sien, frustrée de ne pas trouver les mots qui pourraient réellement exprimer ce qu’elle voulait dire. Comment espérer que son regard puisse parler pour elle ? C’était naïf mais en cet instant, elle aurait voulu que Noah puisse y voir les battements frénétiques de son cœur. Qu’il sache que depuis le moment où elle avait ouvert les yeux dans cet endroit, elle ne s’était jamais sentir comme ça, à la fois heureuse et nerveuse, mais surtout à sa place. Comme si, il avait été l’île de sérénité qu’elle avait longtemps cherché… Et voilà pourquoi, elle était incapable de le lui dire, qui dirait ce genre de chose à une personne que l’on connait depuis à peine quelques heures ? Personne, d’ailleurs rien ne lui prouvait qu’il ait aimé entendre un tel discours… Surtout de la part d’une femme incapable de se rappeler de si oui ou non, elle était en couple…

Se reprenant, elle se racla la gorge et récupéra son verre vide sur la table pour occuper ses mains qu’elle aurait bien utilisées à tout autre chose. Puis s’apprêtant à retourner à son comptoir, elle sourit à nouveau au jeune homme.

« J’espère un jour avoir l’occasion de vous demander, encore, la permission pour toutes les questions que vous m’inspirez… »

Amusée, elle lui fit un clin d’œil avant de s’éloigner, le laissant enfin libre de sortir.

(c) AMIANTE