Quelques jours plus tôt, une lettre venant du Ministère de la Magie était arrivée pour elle, intriguant Lena qui l’avait ouverte au milieu de son petit-déjeuner, sous le regard interrogateur de son grand frère. Ce dernier lui avait, bien évidemment, demandé de quoi il s’agissait et elle lui avait simplement répondu que c’était une commande de potion avant de ranger la missive. Sur le coup, elle s’était sentie mal de mentir ainsi, sans vergognes, à Aelred, mais elle n’avait pas voulu l’inquiéter – elle le faisait déjà bien assez – alors qu’elle ne savait pas de quoi il était question au juste. La lettre qu’elle avait reçue lui indiqué une convocation au Ministère de la Magie et plus précisément, avec Aymerick Blackwell, nom qui lui avait fait froid dans le dos et qui l’avait poussée à mentir à son frère. Elle savait très bien qui était cet homme, il était connu pour être le bras droit d’Orion O’Connor, l’infâme ministre de la magie, et elle refusait d’avouer à Aelred qu’elle avait été convoquée par lui ! Il aurait forcément fait un lien entre cette convocation et la résistance et elle refusait qu’il ne s’inquiète outre mesure alors qu’elle ne savait pas de quoi il était question exactement.

Depuis qu’elle avait reçu cette lettre, Lena ne cessait de se demander pourquoi, par Merlin, Blackwell voulait la voir, et elle avait l’impression de subir un ascenseur émotionnel à force d’émettre des hypothèses. Parfois, elle essayait de se rassurer en se disant qu’il ne savait rien de ses activités résistantes et qu’il ne la convoquait uniquement parce qu’il ne voulait pas être vu entrant dans une boutique de potions. Peut-être avait-il un petit problème qu’il ne voulait pas voir s’ébruiter, comme de l’incontinence ou des troubles de l’érection, quelque chose dans ce goût-là qui pouvait aisément se régler avec une potion appropriée. D’autres fois, elle laissait la panique l’envahir et des hypothèses plus néfastes s’entremêlaient dans son esprit. Peut-être avait-on découvert qu’elle était résistante et qu’on voulait lui arracher des informations. Ou bien, peut-être était-elle convoquée pour une toute autre raison et qu’elle se montait la tête pour rien, elle verrait bien le jour du fameux rendez-vous. Pour le moment, elle avait pris soin de ne rien dire sur cette convocation à Aelred, ni même à Noah, à personne d’autre en vérité. Elle détestait leur mentir, mais elle ne voulait pas les inquiéter pour rien.

Finalement, lorsque le jour de la convocation était arrivé, Lena ne savait toujours pas quoi penser de cet entretien à venir, aussi décida-t-elle de prendre ses précautions. Elle avait mal dormi cette nuit-là, anxieuse à cause du rendez-vous donné par Blackwell, aussi usa-t-elle de cette merveilleuse invention qu’était le maquillage pour masquer ses traits tirés avant de sortir de la salle de bain. Le plus dur, était de ne pas paraître inquiète devant Aelred, et elle n’était pas sûre d’avoir réussi à le lui cacher. Mais le soir venu, elle lui dirait la vérité sur la lettre et son rendez-vous, elle se le promettait. Avant de partir pour le Ministère de la Magie, elle affala une fiole de la potion qu’elle avait mis au point – et qui lui avait coûter des dizaines et des dizaines d’heures de travail – pour contrer les effets du veritaserum, on ne savait jamais.

Arrivée sur les lieux du rendez-vous, elle demanda son chemin à l’un des vigils avant de se présenter à la secrétaire de monsieur Blackwell, qui l’invita ensuite à entrer dans le bureau de ce dernier. Juste avant de passer la porte, elle prit une grande inspiration, pour se donner du courage, et entra. Ses yeux tombèrent aussitôt sur Blackwell lui-même, du moins le supposait-elle, il n’avait pas l’air méchant et, pour tout dire, il était même plutôt bel homme. En tout cas, il était très poli et ça rassura Lena, qui retrouva un peu de sa gaieté naturelle et surtout, son sourire.

-C’est tout naturel monsieur Blackwell, répondit-elle d’une voix calme en le suivant à l’intérieur du bureau. Même si j’avoue être intriguée par la raison de ce rendez-vous.

Ce qui était le moins que l’on puisse dire en vérité, elle était bien plus qu’intriguée par cette convocation et elle brûlait d’envie de savoir ce qu’il lui voulait.

-Que puis-je donc faire pour vous ? demanda-t-elle poliment en le regardant.

Du moment qu’il ne lui demandait de lui balancer où se trouvait l’entrée de la Ville Souterraine, ni qui étaient les leaders de la résistance, l’entrevue devrait bien se passer, non ?

Bien que se retrouver seule dans un bureau avec le bras droit du Ministre de la Magie n’était pas une situation confortable, Lena ne put s’empêcher de noter sa politesse et son air avenant. S’il la prenait pour une quelconque criminelle – ou pire, pour une résistante – il n’agirait pas de la sorte avec elle, n’est-ce pas ? Du coup, elle n’avait pas à s’inquiéter outre mesure, du moins le pensait-elle, et elle aurait sûrement le droit de quitter ce bureau sans passer par la case prison. Rassurée, elle remercia monsieur Blackwell d’un sourire quand il l’invita à prendre place avant de s’installer. Par contre, elle ne toucha pas au verre d’eau qu’il avait posé devant elle. Elle était peut-être rassurée, mais pas jusqu’à boire quelque chose dans ce bureau, on ne savait jamais ce qu’il y avait dedans et elle préférait ne prendre aucun risque.

-Oui bien sûr, je ne répéterais rien de notre conversation, assura-t-elle quand il fut question de discrétion.

Ou plutôt, tout dépendrait de la conversation en question, parce que selon les sujets abordés, elle en ferait part à la résistance, mais ça, il n’était pas obligé de le savoir. Ou plutôt, elle espérait qu’il ne le saurait jamais, sinon elle risquerait de graves problèmes.

Si jusque-là, la potionniste s’était sentie plus ou moins en sécurité, ce ne fut plus du tout le cas quand Blackwell parla « d’antidote au véritasérum ». Au prix d’un très grand effort, elle parvint à ne pas blanchir en entendant ces termes, elle devait rester calme et ne rien laisser paraître, sinon il devinerait tout de suite qu’elle était derrière tout ça. Du coup, elle s’efforça de le suivre du regard, se contentant de froncer légèrement les sourcils en écoutant son récit. Elle n’avait jamais spécialement été une bonne actrice, mais pour le coup, trop de chose dépendait d’elle pour qu’elle laisse quoique ce soit transparaître. On disait souvent que sous l’effet du stress ou d’une trop grosse émotion, on faisait ressortir le meilleur de nous-même, et c’était certainement le cas pour elle.

Elle comprenait bien que, du point de vue du ministère, c’était fâcheux de ne plus pouvoir utiliser de véritasérum, mais du point de vue de la résistance, cet antidote était une vraie bénédiction ! Par contre, elle préférait ne pas savoir ce qu’était les interventions plus musclées dont il parlait. A tous les coups, ça devait être l’usage du sortilège doloris ou autres joyeusetés dans ce genre. Se doutant qu’il n’en resterait pas là dans ses explications, Lena attendit sagement qu’il reprenne et en l’entendant parler de résistants, elle ne cilla pas plus que pour l’antidote, se contentant de se concentrer en fronçant un peu plus les sourcils. Alors qu’intérieurement, elle avait envie d’hurler et de se donner des baffes. Elle savait bien pourtant qu’elle n’aurait pas dû garder cet antidote pour la résistance uniquement, que c’était trop suspect. D’un autre côté, elle n’avait pas prévu que le ministère découvrirait son existence aussi rapidement.

Et voilà maintenant qu’il supposait que le créateur de l’antidote était un membre de la résistance ! Alors c’était pour ça qu’elle était là ? Il la soupçonnait d’être à l’origine de la potion et donc d’être une résistante ? Oh bordel, elle était dans la merde… et Liam qui lui avait garanti sa sécurité, il allait l’entendre celui-là, mais pour le moment, le problème n’était pas là ! Lena eut malheureusement la confirmation qu’il la soupçonnait d’être à l’origine du contre-sérum. Et même si sa manière de le dire était flatteuse, elle avait plus l’impression d’être dans une mauvaise passe que d’être une potionniste douée. Et voilà que ce salaud la menaçait de lui coller les aurors sur le dos si elle ne lui pondait pas le moyen de contrer son antidote. Mais elle ne voulait pas qu’on enquête sur elle ! Sans compter que ça risquait de nuire à Aelred et elle ne le voulait surtout pas. Sans parler de la résistance et de ce qu’elle savait sur cette dernière… Enfin bon, ce n’était pas le moment de penser à tout ça, il fallait garder son calme et gérer chaque chose en son temps.

-Oui… je comprends que ce soit un problème pour le ministère… Surtout si ce sont des résistants qui se retrouvent immunisé contre le véritaserum. Il est temps de les arrêter, surtout après l’attaque du ministère, c’était épouvantable !

D’un point de vue strictement extérieur, elle passait pour une sorcière qui, comme beaucoup d’autre, avait été marquée par l’attaque en question et qui ne voulait plus voir ce genre de chose se reproduire. Techniquement parlant, c’était le cas, mais ce qu’elle voulait elle, c’était que O’Connor et sa clique soient virés du ministère, pas que la résistance soit mise en déroute.

-Mais…commença-t-elle prudemment. Êtes-vous sûr qu’il s’agisse d’un antidote au sérum de vérité ? Si je me souviens bien, certains sorciers doués en occlumancie sont capables de résistés à son effet. Non pas que je ne veuille pas vous aider, ajouta-t-elle avec empressement. S’il s’agit bien d’un contre-sérum, je vous viendrais en aide bien sûr, mais pour ça, il me faudrait un peu de l’antidote pour pouvoir le contrer. Vous comprendrez bien que sans lui, je ne pourrais rien faire…

Bon, en vérité, elle pourrait très bien contrer l’antidote puisque c’était elle qui l’avait mis au point, mais ça elle n’allait pas lui dire. Ça lui avait pris des années de contrer les effets du sérum de vérité, elle était fière de ce qu’elle avait fait, mais elle ne comptait pas s’en vanter.

-Quand vous dites rapidement, reprit-elle, vous parlez de quelle fourchette de temps au juste ? Parce qu’une potion de ce genre, ça prend du temps à concevoir. L’inventeur du véritaserum y a passé près de dix ans avant de le mettre au point.

Non parce que s’il s’attendait à avoir la potion miracle d’ici la fin de la semaine, il se fourrait le doigt dans l’œil là. Même en connaissant parfaitement les composants de l’antidote – ce qui était son cas – il lui faudrait plusieurs essais et sûrement quelques semaines pour le rendre inefficace.

Non, définitivement, elle n’aimait pas cet homme. Il avait peut-être l’être courtois, aimable, et pas trop mal dans son genre, tout ça n’était que poudre aux yeux. Ce n’était en fait qu’un sale serpent perfide qui se complaisait dans sa position et qui usait de son semblant de pouvoir conféré par O’Connor pour menacer les autres et se sentir supérieur. Ah qu’elle avait hâte de le voir tomber avec son cher ministre incompétent et monstrueux ! Qu’il tombe de son fichu piédestal et qu’il soit brutalement ramener à la réalité. A ce moment-là, elle serait satisfaite et non en train de fulminer intérieurement en écoutant ce salopard lui dire qu’elle n’avait que quelques jours pour lui donner les premiers résultats de sa fichue potion de merde ! Il ne voulait pas non plus une apparition de Merlin qui lui accorderait trois vœux tant qu’il y était ?! La blonde était peut-être une potionniste douée, mais elle ne faisait pas de miracle contrairement à ce que l’autre enflure semblait croire.

Plutôt que de s’énerver et de lui dire franchement ce qu’elle pensait de lui et de son manque flagrant de connaissances concernant les potions, Lena préféra attendre qu’il ait fini de parler pour se calmer. Prenant une grande inspiration, elle se lança ensuite, ignorant la pointe d’agacement qui montait en elle après qu’il ait clairement entendu qu’elle avait des choses à cacher. Sale petite crevure !

-Monsieur Blackwell, même avec toute la bonne volonté du monde, je ne pourrais pas obtenir de résultats d’ici quelques jours. Vous ne le savez peut-être pas, mais le veritaserum doit mûrir pendant un cycle complet de lune, soit environ un mois, et si vous avez suivi avec attention vos cours de potions à Poudlard, vous devez savoir que, sauf quelques rares exceptions, les antidotes aux potions de ce genre doivent également mûrir pendant un cycle lunaire. Je vous laisse donc imaginer combien de temps cela prendrait-il de préparer la potion que vous demandez.

Bien qu’elle ait essayé de garder son calme, son ton avait fini par devenir professoral, comme si elle expliquait l’art délicat des potions à un novice qui n’y connaissait rien. Ce qu’était Blackwell à ses yeux, elle ne s’en cachait pas.

-Vous avez l’air de croire que je suis à l’origine de ce contre-sérum et que par conséquent, je serais capable de préparer l’antidote en un clin d’œil, grand bien vous fasse d’ailleurs, mais laissez-moi vous raconter l’histoire de monsieur Hector Dagworth-Granger, le fondateur de la Très Extraordinaire Société des Potionnistes, qui était loin d’être un novice, reconnaissons-le. Au cours de ses recherches, monsieur Dagworth-Granger a créé une potion qu’il a fait essayer à son apprenti, mais elle n’eut pas l’effet escompté et elle le priva totalement de la parole. C’était l’une de ses créations, et il notait scrupuleusement les ingrédients et le mode opératoire et pourtant, il lui a fallu presque huit mois de recherches et de travaux pour soigner son apprenti. Monsieur Blackwell, les potions sont un art subtil qui nécessite du doigté et surtout beaucoup de patience, je pense qu’il va vous en falloir pour attendre votre antidote miracle.

Sans compter qu’elle avait mis plus de deux ans à trouver l’antidote au veritaserum et qu’elle n’avait pas été la première à chercher un moyen de le contrer. Blackwell semblait croire que les choses étaient simples et qu’il obtiendrait ce qu’il voulait d’un claquement de doigt, il serait peut-être temps qu’il ouvre les yeux et qu’il redescende sur Terre, les choses ne se passeraient pas comme ça. Sans compter qu’elle n’avait nullement l’intention de faire de cet antidote sa priorité. Elle avait d’autres choses en tête, comme la maladie de son frère par exemple.

-Maintenant, si vous voulez déranger des aurors pour les envoyer enquêter sur moi et sur les autres potionnistes, je vous en prie, je ne pourrais pas vous en empêcher, mais le fait est que trouver ce que vous me demandez me prendra du temps.

Quant à sa remarque sur le fait qu’elle trouverait sans difficulté un échantillon avec lequel travailler, elle préféra ne pas relever.