Jeudi 10 mars 2016

Un filet de lumière ténu filtrait à travers l'épais rideau de velours bleu foncé, éclairant faiblement le visage de Gavriil, qui était déjà réveillé. Allongé dans un immense lit, contre un homme qui approchait la cinquantaine, le russe n'avait pas envie de se lever. Il était plein de courbatures et il se serait bien rendormi... Mais il était hors de question qu'il laisse son client ouvrir les yeux tant qu'il serait là. Il était presque sûr qu'il voudrait recommencer, ce pervers lubrique ! Bon, il servait à ça mais là... S'il pouvait y échapper il n'allait pas dire non. Il ne voulait de sexe. Plus pour aujourd'hui. Il se sentait déjà assez sale comme ça... Au moins avait-il gagné un peu d'argent. C'était le principal. Peu importait ce que tous ces gens faisaient à son corps tant qu'il pouvait rendre sa famille heureuse.

A contre cœur, le blond repoussa les draps et la main du cinquantenaire pour se diriger vers la salle de bain d'un pas mal assuré. Merlin... Il n'avait pas pris de pincettes. Enfin il avait déjà vécu bien pire. Il retint un soupir. Ce n'était pas comme s'il avait le droit de se plaindre. Après tout c'était les risques du métier, et personne n'irait prendre en pitié quelqu'un qui avait cherché le bâton pour se faire battre. L'eau chaude lui fit tout de même assez de bien pour détendre tous ses muscles, et il se hâta de se rhabiller et de partir avant de réveiller son client. Heureusement qu'il avait payé d'avance, sinon il aurait dû se servir. Il allait encore devoir dire qu'il avait dormi au Helly Heaven... Il savait bien que Natasha n'était pas dupe, mais c'était bien la seule à ne pas le croire. Tout ça parce qu'elle traînait autant que lui en ville... Sa petite sœur était vraiment trop perspicace. Un trait de famille qu'il aurait aimé être le seul à posséder...

Gavriil déboucha non loin de la place Nicolas Flamel. Connaissant Londres comme sa poche, il tourna dans une petite rue qui permettait de rejoindre le Chemin de Traverse plus rapidement qu'en passant par les routes les plus fréquentées. Son estomac poussa un grognement de protestation alors qu'il passait devant une boulangerie. Il avait faim et il n'avait rien pris à manger. Tant, pis il irait donc s'acheter un petit en-cas. En parlant d'en-cas... Il avait surpris Crowford embrasser le gérant le Fortarôme, quelques jours plus tôt, et depuis il avait entrepris de jeter de temps en temps des coups d'oeil vers la boutique de gâteaux, intrigué. A en juger la prudence dont ils avaient fait preuve, ils n'avaient pas eu envie qu'on les surprenne. Mais il ne voyait pas vraiment pourquoi l'arrogant brun cacherait ses amants, étant donné que les rumeurs concernant sa libido n'était un secret pour personne. Il en avait donc conclu qu'il y avait plus entre eux qu'une simple attirance passagère... sauf qu'il n'en était pas certain.

Or si cela s'avérait vrai... C'était une info que certains paieraient cher. Crowford avait beaucoup de gens qui n'attendaient qu'un seul faux pas pour le faire tomber. Mais il ne pouvait pas vendre une information dont il n'était pas sûr, et en plus... Et bien Crowford n'était pas le seul impliqué dans l'affaire. Le russe ne connaissait pas Benoît, mais il avait entendu dire que c'était une personne simple et gentille. Si c'était le cas, il n'avait pas envie de lui attirer des soucis. Il dirigea donc ses pas vers Fortarôme, et y arriva vite.

Il était à peine 9h. Il pouvait donc espérer tomber sur Benoît au moment où il ouvrirait, ils seraient plus tranquille pour discuter que dans une boutique pleine. Tant pis pour son petit déjeuner, il le prendrait plus tard. Il pressa le pas et lorsqu'il arriva à destination, la porte était encore fermée. Parfait. Il attendit un peu à côté avant de voir arriver le gérant. Réajustant une mèche de cheveux et se parant de son plus beau sourire enjôleur, Gavriil s'avança vers lui.

-Bonjour Ben, fit-il avec bonne humeur. Je m'appelle Gabrielle. On peut discuter un peu ?

Ça ne durerait pas longtemps et ainsi, il serait vite fixé.

Jeudi 10 mars 2016

Attendant tranquillement le pâtissier, Gavriil frissonna. Non pas qu'il faisait spécialement froid, même si pour l'époque, les températures étaient un peu basses, mais rester debout sans rien faire ne tenait pas vraiment chaud. Et pourtant il n'était pas frileux, bien au contraire ! Il fallait dire qu'il n'avait pas trop prévu de sortir, et ses collant tout fin n'aidaient pas à le réchauffer. Mais pour sa défense, lorsqu'il était sorti la veille, ça avait été pour pêcher des clients, et c'était une chose bien plus dure à faire lorsqu'il était en pantalon. Du coup forcément, il avait opté pour une jolie robe rose pâle... Et à présent il avait froid. Bah, s'il tardait trop il pourrait toujours boire un peu de sa vodka !

Heureusement le brun ne tarda pas. En la voyant, il fronça très légèrement les sourcils, comme s'il cherchait à le replacer, ce qui tira un sourire amusé au russe. Il pouvait difficilement se souvenir de lui étant donné qu'il ne venait presque jamais dans sa boutique. Toutefois il y avait déjà mis les pieds, c'était déjà ça. Il lui arrivait parfois d'aller y faire un tour pour acheter un gâteau à l'un de ses frères et sœurs. Ou à toute la famille, mais ça il ne l'avait fait qu'une fois... Parce que l'air de rien, les pâtisseries, ça coûtait cher. Il en achetait aussi à Eden de temps en temps. Bon, c'était arrivé une seule fois. En règle générale, il lui ramenait plutôt des gâteaux faits par Alekseï, surtout depuis qu'il avait remarqué les regards qu'elle glissait en douce à son frère.

Le blond ne se le fit pas dire deux fois et suivit l'invitation du joli brun. Il régnait dans la boutique une chaleur agréable après le froid du petit matin. Alors que Benoît débarassait une table de ses chaises pour leur faire une place, Gavriil en profita pour l'étudier plus longuement. Sans conteste, il était bel homme, même si des cheveux courts l'auraient rendu plus viril et plus au goût du russe. Mais c'était purement subjectif. Il dégageait une aura de candeur qui, il en était presque sûr, lui avait déjà certainement valu des ennuis. Il avait l'air bien trop honnête pour son bien. Que faisait-il donc avec Crowford ? Le pauvre avait dû se laisser séduire... Mais pourquoi le riche héritier aurait-il donc dragué un pâtissier ? Certes il était beau mais il ne comprenait pas. Par vengeance ? Mais il voyait mal le brun attirer les foudres d'un homme aussi important et dangereux. Il avait l'air inoffensif... Cela ça pouvait aussi n'être qu'une apparence. Il avait déjà rencontré des personnes terribles camouflées sous des air d'ange. D'ailleurs... Lui-même faisait partie de cette catégorie, songea-t-il sombrement. Mais il était encore pire, parce que lui, c'était un véritable monstre qui se cachait sous son visage d'être humain...

Chassant ces pensées, Gavriil reprit son beau sourire et alla s’asseoir à la table. Avisant le geste du brun, il retint un petit rire. Autant pour sa théorie du masque, il doutait qu'il puisse cacher quelque chose. Un simple suçon, il semblait avoir du mal à le masquer alors bon... Car il était évident que c'était ça. Mais il comprenait, lui-même en avait souvent...

-Il y a un moyen plus efficace qu'une écharpe pour camoufler ça, tu sais, fit-il amusé.

Peut-être ne connaissait-il pas le sortilège de glamour. Auquel cas il allait bientôt voir sa vie changer du tout au tout, parce qu'avec Ezéchiel pour amant... Et bien, Gavriil savait par expérience que ce genre de marques, c'était monnaie courante. Il allait répondre à sa question quand son ventre émit un gargouillement sonore. Il avait horreur de ça... C'était anti-féminin ! Même s'il devait avouer qu'il avait particulièrement faim.

-C'est Ezéchiel qui t'a fait ça ? Demanda-t-il l'air de rien.

Il préférait attaquer directement plutôt que de tourner des heures autour du pot. D'autant plus que Ben avait sûrement du travail, alors il valait mieux vite terminer.

Jeudi 10 mars 2016

La réaction de Ben indiqua clairement à Gavriil qu'il ne sortait pas avec l'héritier Crowford par intérêt. C'était une hypothèse qu'il n'avait pas écarté, après tout de nombreuses personnes voulaient bénéficier du prestige et de la richesse de cette famille, mais Benoît ne semblait pas comme ça. Le russe était prêt à parier qu'il ne pouvait rien cacher sans que ça se voie comme une sirène en plein désert. Dans ce cas, il devait vraiment avoir craqué pour Ezéchiel... Mais que pouvait-il bien lui trouver ? C'était un parfait connard. Peut-être n'était-il pas au courant...

Il eut un sourire attendri en voyant le brun être intéressé par un moyen de cacher les suçons. Il n'arrivait pas à croire qu'il ne connaissait pas ce sort, pourtant si pratique. Lui l'utilisait sans arrêt. En même temps, sans ça... Il ne pourrait pas porter la majorité de ses vêtements, et qui voudrait payer quelqu'un qui arborait d'atroces cicatrices sur les épaules ? Sans compter toutes les marques qu'il cachait régulièrement... Il était bien obligé. Leur salle de bain ne fermait pas à clef alors il arrivait régulièrement que quelqu'un entre sans frapper, et en plus Sonia adorait se glisser dans le bains des autres -il espérait d'ailleurs que cette manie lui passerait en grandissant... Il avait donc tout intérêt à ne pas montrer les suçons et, parfois, les traces de coups qui s'étalaient sur son corps.

-Ça s'appelle un sortilège de glamour. Tu devrais le trouver facilement à la bibliothèque. Ça efface toutes les marques, les suçons comme les cernes. La durée du sort dépend de ton habileté à le lancer.  

Lui avait des résultats très long maintenant, mais au début il devait relancer le sort toute les heures. Il avait à peine finit sa phrase qu'il parla d'Ezéchiel, pour étudier sa réaction. Non effectivement, Ben ne savait pas mentir... Mais c'était mignon. Gavriil était heureux de constater qu'il existait des personnes bien et pures comme lui. Ça devenait tellement rare... Il espérait que ses frères et sœurs deviendraient comme le brun, des gens biens. Il priait pour qu'aucun ne suive son chemin...

Il fut cependant passablement surpris du changement direct de sujet. Il pensa au début que c'était une diversion pour lui faire oublier l'arrogant sang-pur, mais vu sa tête il en doutait. Il semblait vraiment concerné par sa faim... Pourtant ce n'était pas si grave, il aurait pu attendre. Il allait protester mais le pâtissier avait déjà disparu dans sa cuisine, et il revint peu de temps après avec un petit déjeuner complet. Décidément... Il était trop gentil. Et Crowford jouait avec lui ? Il se croyait vraiment tout permis... Gavriil était bien décidé à ne pas laisser le brun se faire malmener par cette ordure. Il ne comprenait pas pourquoi l'ancien serpentard avait jeté son dévolu sur lui pour laisser libre court à sa méchanceté, mais s'il y avait une chose que le russe ne pardonnait pas, c'était qu'on s'en prenne aux rares personnes qui avaient conservés leur cœur d'enfant.

Puisqu'il avait droit à un si bon déjeuner, il n'allait pas refuser... Il but une gorgée de chocolat avant de se lancer.

-Je voulais te parler d'Ezéchiel. C'est bien ton petit-ami non ?

Il ignorait si Ben connaissait la vérité au sujet de cet aristocrate, mais il espérait qu'il ne souffrirait pas... Comment pouvait-il lui annoncer en douceur qu'il sortait avec un monstre ? Il ne voulait pas lui blesser... Mais s'il restait avec lui il allait forcément finir par l'être !

-Tu l'aimes ?

Il allait déjà s'assurer qu'il était amoureux. C'était peut être Ezéchiel qui lui faisait du chantage pour il ne savait quelles raisons !

Jeudi 10 mars 2016

Les mains posées autour de sa tasse pour se réchauffer, Gavriil grignotait ses muffins en se demandant comment amener le sujet qui l'intéressait dans la conversation. Il ne voulait surtout pas faire de peine au brun... Il lui rappelait un peu Alekseï par certains côté. Son air candide et sa façon de tout croire... Oui, ça ressemblait bien à son frère. Mais du coup maintenant il craignait de lui faire du mal... S'il était comme son aîné alors il devait sûrement être très sensible. D'ailleurs ça avait l'air d'être le cas.

Il eut un sourire en voyant le petit regard du pâtissier. Apparemment il s'inquiétait, sûrement de la manière dont il allait apprendre le sort. Mais ce n'était pas bien compliqué. Si même lui avait réussi alors le brun le pouvait lui aussi. Certes Gavriil avait eu l'aide d'Eden, mais Benoît en aurait sans nul doute aussi. Il devait bien avoir des amis doués en magie.

Il pris une gorgée de chocolat avant d'en venir au sujet qui l'intéressait. La réaction de Ben ne se fit pas attendre, et indiquait clairement que oui, en effet, il sortait avec Ezéchiel. Il avait beau vouloir le nier -de façon assez vaine d'ailleurs- ça se voyait sur son visage. L'air paniqué du jeune homme fit un peu de peine au russe.

-T'inquiète pas, je suis la seule au courant pour l'instant, précisa-t-il.

Enfin pas tout à fait mais disons qu'il était le seul qui pouvait révéler la vérité au grand jour. La question étant : devait-il, ou non, le faire ?

-Écoute, je vais être honnête avec toi, commença-t-il en décidant d'y aller franc jeu. Je suis vraiment désolé si ce que je vais te dire te blesse, ce n'est pas du tout le but. Mais je pense qu'Ezéchiel est une ordure, et je m'inquiète pour toi. Est-ce qu'il te fait du chantage ou quoi que ce soit ?

Parce que Gavriil doutait vraiment que le brun puisse être amoureux. S'il l'était tant mieux ! C'était une bonne chose s'il pouvait tomber amoureux d'une personne gentille comme Benoît, ça lui ferait probablement du bien. Ça le changerait. Enfin il l'espérait. Il n'avait pas oublié sa dernière rencontre avec l'héritier des Crowford... A ce moment là, Ezéchiel l'avait pris pour une femme. Alors d'accord, il n'était pas le premier et ne serait certainement pas le dernier à mal prendre le fait qu'en réalité il était un homme, mais ça ne justifiait pas tout. Si encore il s'était énervé parce qu'il s'était excité tout seul et qu'étant deux hommes il ne pouvait pas se soulager, mais Gavriil savait pertinemment que le brun était bi et donc que le fait qu'il ne soit pas une femme n'aurait pas dû le déranger outre mesure. Non, ce qui avait dérangé monsieur Crowford, c'était simplement que le blond se soit « foutu de sa gueule » comme il l'avait si bien dit. Et d'ailleurs il lui avait bien fait comprendre qu'il n'avait pas du tout aimé ça. Le russe, lui, n'avait pas du tout aimé la manière dont il s'était vengé. Et rien que d'y penser ça lui donnait presque envie de pleurer.

D'accord il n'avait pas à cacher cette information à ses clients, et d'accord s'était de sa faute s'il subissait de mauvais traitements, parce que c'était lui et lui seul qui avait choisi de se prostituer, mais la méchanceté gratuite avec laquelle Ezéchiel avait fait ça... Il souhaitait simplement à Ben de ne jamais avoir à subir la même chose.

-Est-ce que tu l'aimes ? Redemanda-t-il aussi.

Et surtout... Est-ce qu'il l'aimait en ayant conscience que son petit-ami était un salaud ou non ? Parce que s'il l'ignorait... La désillusion allait sûrement faire mal et Gavriil n'avait pas envie d'avoir le rôle de celui qui le lui annoncerait.

Jeudi 10 mars 2016

Gavriil releva la tête, surpris par le ton du brun, qu'il n'aurait pas cru capable d'une telle expression contrariée. Il n'avait pourtant pas voulu être impoli et le rassurer... Mais apparemment il n'avait pas l'air enchanté d'apprendre qu'il était au courant pour eux. Il préféra donc ne pas en rajouter une couche et ne pas le contredire, car si, il savait certaines choses. Bon, pas tout évidemment, mais assez pour savoir que la situation était étrange. Ezéchiel qui sortait avec un garçon aussi gentil ? La conversation le ramena plusieurs années en arrière. Le russe détestait repenser à ce moment là, mais pour le coup, il était difficile de faire abstractions de ses souvenirs alors que les événements prenaient un malin plaisir à remettre cet arrogant brun sur le tapis. Ne désirant pas éterniser les choses, il préféra y aller directement. Parler de ça le mettait mal à l'aise. Il ne se remémorait que trop bien cette fameuse nuit où il avait rencontré l'héritier Crowoford, et penser que la pâtissier candide pouvait être dans une passe similaire le rendait malade.

Il avait parlé sans aucune animosité, prenant ses précautions pour ne pas le brusquer, aussi fut-il totalement pris au dépourvu lorsque Ben haussa soudainement la voix, subitement en colère. Alors qu'il bondissait de son tabouret pour se lever, Gavriil se raidit, les yeux écarquillés, reculant instinctivement. L'espace d'une seconde à peine, il crut d'être trompé sur le compte du brun. Peut-être était comme lui. Peut être était violent lui aussi. Peut être allait-il lui faire du mal... Sa poitrine se fit lourde et il lui sembla que l'air autour de lui s'était épaissi tant il avait du mal à respirer. Non, il ne voulait pas avoir mal, pas encore ! Un voile de peur passa devant ses yeux. Il connaissait trop bien la colère, et il savait pertinemment ce qu'elle poussait à faire. Des hommes violents, il en avait connus pleins, et la plupart couvaient de la fureur et de la rage en eux. C'était ce que le blond craignait le plus. Un homme en proie à ce sentiment était irraisonnable... Sans qu'il s'en rende compte, son corps s'était enfoncé le plus possible au fond de sa chaise, pour mettre le plus de distance possible entre lui et le pâtissier. Ses yeux le brûlaient mais il se refusa à pleurer et ravala ses larmes tant bien que mal. Pleurer ne servait à rien. Pleurer n'aidait pas.

Ce ne fut que lorsque Ben se rassit que Gavriil se détendit un peu, et pour se donner contenance, il se força à poser les mains sur sa tasse de chocolat afin de la porter à ses lèvres. Cependant il se ravisa avant que la récipient n'atteigne sa bouche et préféra la reposer. Ses mains tremblaient et il ne parvenait pas à se maîtriser. Il se sentait penaud et amer. Les accusations du brun lui donnaient l'impression d'être un monstre... Effectivement, qui était-il pour juger ainsi ? Il ne connaissait d'Ezéchiel que ce qu'il avait entendu dire sur lui et l'expérience qu'il avait vécu...

Toutefois lorsqu'il reprit la parole, son malaise se mua peu à peu en colère. Il détestait se fâcher mais il sentait monter en lui une protestation qu'il ne parvenait pas à retenir. Gentil ? Ezéchiel ? Ben avait peut-être raison pour dire qu'il jugeait trop vite, mais lui non plus ne connaissait pas tout de ce serpentard de mauvais augure ! Des idées surfaites ?? Comme s'il avait pu s'imaginer ce qu'il s'était passé cette nuit là ! D'accord il avait ses responsabilités à prendre à ce sujet, d'accord il avait ses tords mais rien ne justifiait son comportement et il ne souhaitait ça à personne ! Il avait fait l'effort de venir jusque là alors qu'il aurait pu se venger enfin de cet enfoiré, il l'avait fait pour Ben parce qu'il s'inquiétait et voilà comment il était remercié !

-Non en effet je ne le connais pas ! Mais ça ne m'empêche pas de savoir certaines choses sur lui qui me donnent parfaitement le droit de le traiter d'ordure ! Tant mieux pour toi s'il t'aime et qu'il se montre gentil mais... Mais...

La voix hachée, Gavriil peinait à retenir ses larmes. Bon sang il était vraiment le dernier des nuls ! Il ne voulait pas gâcher le bonheur dans lequel nageait le pâtissier soit gâché quand il comprendrait que son amant était loin d'être rose, mais il ne pouvait juste pas accepter de se faire traiter de menteur lorsqu'il affirmait que le Crowford était un salopard.

-Mais je n'ai pas inventé ce qu'il m'a fait ! Je suis désolée si je t'ai blessé c'était pas mon but, je voulais juste... Je voulais simplement... Je m'inquiétais !

Il se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas fondre en larmes, si fort que le goût de sang envahit sa bouche. Il se força a se calmer en respirant doucement, mais il était tellement tendu que ça ne marchait pas beaucoup. Il se sentait mal. Affreusement mal. A cause de lui Ben semblait trente sixième dessous. Au moins il savait qu'il l'aimait vraiment cette fois-ci mais à quel prix ?

-Je travaille pour personne je voulais juste...

Sa voix se bloqua dans sa gorge. Il avait simplement voulu savoir s'il pouvait ou non se faire l'argent sans culpabiliser. Il pouvait bien dire qu'Ezéchiel était un connard finalement ils n'étaient pas si différents...

-Désolée, j'aurais pas dû me mêler de ce qui me regarde pas, souffla-t-il.

Fixant sa tasse, il voulut se lever mais, n'ayant pas vraiment confiance en ses jambes, préféra rester assis pour le moment avant qu'il ne parte.