Jeudi 14 Avril

Travailler lui occupait l'esprit. Gavriil adorait son boulot de serveur pour ça, il ne s'ennuyait jamais. Il fallait toujours être là pour les clients, faire les cocktails quand Eden ne pouvait pas s'en charger parce qu'elle se chargeait d'autre chose, trier les stocks, ranger, essuyer les verres, aller servir, discuter avec ceux qui en avaient envie... Bref c'était exactement ce dont il avait besoin pour oublier ses soucis. Sans compter qu'en temps normal, il y avait Eden pour plaisanter, commenter les hommes qui passaient ou se taquiner. Mais aujourd'hui sa sœur de cœur c'était pas là. Depuis l'attaque du Ministère, la brune avait passé son temps à ressasser des idées noires. Le russe détestait la voir ainsi. Elle avait toujours été son modèle. Elle et lui se ressemblaient bien plus qu'ils n'y paraissait. Ils avaient un passé compliqué et sombre dont ils peinaient à se remettre, et même si pour tout le monde, elle semblait forte et sûre d'elle, au fond elle restait une femme blessée par la vie qui cachait ses faiblesses. Mais contrairement à lui, elle avait une volonté de fer. Qui pouvait certes se révéler à double tranchant vu son obstination, mais c'était un trait de caractère qu'il admirait chez elle. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, ils avaient noué des liens très forts, aussi quand il la voyait dans un état tel que celui dans lequel elle était en ce moment, il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter plus que de raisons. Il voulait que la brune aille mieux, mais il ne savait pas quoi faire pour lui remonter le moral.

Le lundi soir, il s'était attendu à la trouver toute heureuse. L'attaque au Ministère et l'évasion des sorciers avait été un succès, pourquoi aurait-elle était triste ? Et pourtant il l'avait retrouvée complètement déprimée, assise à son comptoir en train de noyer son chagrin dans l'alcool. En discutant avec elle, il avait très vite compris ce qui n'allait pas. Apparemment, un des hommes de la Résistance avait perdu son bras dans l'attaque... Et il avait fallu que ce soit le seul qui avait réussi à percer la carapace de la brune, le seul qui ne la laissait pas indifférente. Gavriil, au départ, avait pensé que sa relation avec ce Gidéon serait comme toutes les autres, mais ce soir là il avait bien compris qu'il y avait quelque chose de plus avec lui. Eden méritait d'être heureuse ! Tomber amoureuse lui ferait du bien, mais si c'était pour que ça se termine mal... Elle n'avait pas besoin d'une nouvelle blessure. Ce mec avait intérêt à assurer et à faire son bonheur, sinon il irait lui-même lui expliquer sa façon de penser, foi d'Ivanovski ! Déjà que cet incident avait ravivé les fantômes du passé d'Eden et fait revenir sa culpabilité...

Il était vraiment préoccupé par l'état de sa patronne, et il était donc bien content d'avoir de quoi s'occuper. Eden était restée chez elle car à force de ne pas dormir, elle avait fini par avoir des cernes terribles et Gavriil l'avait envoyé se reposer. Et maintenant il s'efforçait de ne pas penser à elle, ni à sa conversation avec Keith qu'il ressassait encore, ni à Théodore qu'il évitait depuis des semaines, ni à aucun autre problème. Malheureusement, même si le bar était animé, il n'y avait pas assez de monde pour le tenir occupé sans arrêt il avait du mal à ne pas laisser ses pensées s'égarer. Il était en train de ranger des verres quand une voix bien connue retentit derrière lui. Quand il entendant ces mots, il n'avait même pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s'agissait. Un grand sourire fendit son visage alors qu'il se retournait pour voir Damian, assit sur un tabouret.

-Salut beau gosse ! Tu sais bien que tu me manques toujours.

Damian tombait vraiment à point nommé, et le blond était plus que ravi de le voir. Il adorait passer du temps avec lui. Il avait un caractère bien particulier, mais c'était justement ce qui plaisait à Gavriil. A croire que tous les Blake sortaient du lot ! Et puis le blond avait toujours trouvé Damian attachant, il l'avait apprécié tout de suite. Pas parce qu'il était connu et qu'une bonne moitié des filles d'Angleterre auraient aimé pouvoir passer ne serait-ce qu'une minute avec lui, non, ça il s'en moquait. C'était surtout parce qu'il adorait l'impulsivité du russe, qui lui faisait oublier ses problèmes.

-Non, elle se repose. Va falloir que tu trouves quelqu'un d'autre à asticoter, le taquina-t-il.

Il savait qu'il aimait bien essayer de l'énerver pour qu'elle lui réponde, d'autant plus que tous les deux avaient une bonne répartie, ça donnait parfois des échanges piquants que le blond adorait arbitrer.

-Pourquoi ça irait pas ? T'es là ça ne peut qu'aller non ? Répondit Gavriil avec un clin d’œil. Et toi, quoi de neuf ? Toujours autant de succès avec les filles ?