Vendredi 11 mars

Ezéchiel eut un petit sourire affectueux quand il vit le visage de Valandra s'illuminer comme par magie. Elle était tellement imprévisible et avait des réactions tellement opposées, en seulement quelques secondes d'intervalle qu'elle était parfois difficile à suivre, mais il ne le niait pas, c'était un des traits de caractère qui lui avait toujours plu chez elle. Etant de nature très encline à taquiner les autres, forcément, quand il tombait sur quelqu'un qui mordait aussi facilement à l'hameçon quand il la charriait, il était plus qu'heureux. Il avait conscience qu'il lui arrivait de frôler parfois les limites, mais c'était aussi ça qui lui plaisait.

-Bien sûr que je le sais, mon cœur, fit-il sur le même ton qu'elle. C'est bien pour ça que tu as toute ma confiance !

Et sa confiance, effectivement, elle l'avait totalement. L'héritier Crowford avait beau la connaître il n'avait absolument pas conscience de sa petite particularité qui la rendait si dangereuse. D'ailleurs, même s'il savait qu'elle l'était, il ignorait à quel point c'était vrai. Et pour le moment, c'était bien le cadet de ses soucis. Après tout il avait à s'occuper de son Beny qui, il en était certain, ne se sentait pas à sa place et qui avait besoin d'être rassuré. Même s'il était à présent tiré hors des griffes des curieux et donc sauvé pour le moment du malaise d'être le cente d'intérêt d'aristocrates hypocrites, il était toujours dans une fête remplie de sang-pur et il savait que son pâtissier n'aimait pas ça. Et qu'il n'en avait surtout pas l'habitude.

D'un autre côté, voir son brun dans le monde doré des nobles avait quelque chose de vraiment plaisant. Un peu comme si Beny était officiellement à lui et qu'ils assistaient à la réception tous les deux, de manière parfaitement normale. Bon il savait bien que ce n'était pas le cas, mais il avait quand même hâte d'officialiser sa relation. Il détestait devoir faire les choses en douce, surtout quand ça concernait son brun, et même s'il avait conscience que ça allait lui apporter des ennuis, au moins il ne vivrait plus dans le secret. Et les autres n'auraient qu'à médire entre eux, de toutes façons ils ne pourraient rien y changer.

Curieux de savoir ce qui amenait son Beny ici, il fronça les sourcils en apprenant qu'une certaine Candice lui avait demandé de l'accompagner. Alors comme ça il y avait des filles qui lui tournaient autour ? Bon, au moins elle l'avait laissé pour profiter de la soirée avec un autre homme apparemment. Tant mieux, il détestait qu'il y ait des gens qui s'approchent trop de son son brun. Cela dit, l'abandonner ainsi au beau milieu d'une soirée où, si l'on était seul, on était regardé de travers, était vraiment dégueulasse et il n'appréciait pas du tout. Il retint le visage de la fille et se promit de se venger plus tard.

Il reporta son attention sur Beny en entendant ses paroles. Les laisser seuls ? Il compter partir ? Ezéchiel savait pertinemment que si l'ancien poufsouffle partait, il allait déprimer pour tout le reste de la soirée en se disant qu'il ne méritait pas le Crowford, et que celui-ci serait sûrement plus heureux sans lui. Et il avait horreur de ça. Sérieusement comment pouvait-il se mettre ces idées dans la tête ?! Pas question de le laisser broyer du noir tout seul. Il allait ouvrir la bouche lorsqu'il se ravisa. Non, pour une fois il fallait qu'il mette son égocentrisme de côté et qu'il pense un peu à ce que pouvait ressentir le brun. Et la brune. Il se doutait que si Beny restait il serait tout aussi mal et se dirait tout autant qu'il ne le méritait et qu'il n'avait pas sa place ici. Au moins chez lui il serait plus à l'aise... Sans compter qu'il venait d'arriver et qu'il sentait déjà le regard de Valandra sur lui, qui guettait sa réaction. Mais s'il raccompagnait Beny ça lui éviterait de déprimer... Quoiqu'il serait foutu de culpabiliser d'avoir privé Ezéchiel de passer du temps à cette fête. Honnêtement, il se fichait un peu de tout ça, lui, pourtant. Enfin non il aimait bien mais bref.

Fixant le regard mal à l'aise de Beny, il finit par lâcher à contre cœur après avoir vérifié que personne n'écoutait :

-Bon, ok... Fais comme tu veux. Mais je t'interdis de broyer du noir. C'est toi que j'aime, et je me contrefiche du reste.

De toutes façons, bientôt il annoncerait tout à tout le monde et alors ils seraient libres d'agir comme ils le voulaient. Pour l'heure, il pouvait bien rester encore un peu pour remercier Valandra de les avoir couverts.

Le sourire de Valandra se fit encore plus radieux quand Ezéchiel lui assura qu'il savait qu'il pouvait compter sur elle et alla jusqu'à l'appeler mon coeur. Il en avait toujours été ainsi, déjà lorsqu'ils étaient tout enfant Valandra avait été un joyeux petit pot-de-colle collée admirativement à Ezéchiel. Il avait toujours été le seul capable de lui faire entendre raison et de la canaliser et cela n'avait jamais changé, même une fois devenu adultes. Dans l'esprit malade de la jeune femme, la seule personne à avoir de l'importance, hormis elle-même, c'était-lui. Cela pouvait sembler étrange vu qu'elle était la femme et lui l'homme mais elle savait qu'elle n'hésiterait pas une seule seconde à le défendre becs et ongles. Ce n'était pas de l'amour, pas dans le sens commun du terme, mais plus une sorte d'adoration. Cela ne l'empêchait pas de le laisser vivre sa vie pour autant même si elle détestait l'idée de le savoir avec un homme de rang inférieur et encore plus de ne plus être sa maîtresse à cause de ce même type.

Toujours accrochée au bras d'Ezéchiel, qu'elle tenait même de ses deux mains tout en restant blottie contre lui, ayant toujours trouvée du réconfort auprès de lui, Valandra ne disait rien en observant la scène, fixant les deux hommes tour à- tour de ses grands yeux interrogateur.

Ezéchial n'avait pas intérêt à la planter, même la dévotion de Valandra avait ses limites. D'autant plus qu'Ezéchiel s'en jouait déjà bien cruellement. Après tout, quand elle avait accepté de jouer cette mascarade de fausse fiancée, cela avait juste été selon lui pour que son père lui fiche la paix un moment. A aucun moment, quand elle avait dit oui, il avait été question qu'elle devienne le dindon de la farce, ridiculisée au plus haut point en devenant la femme non seulement incapable de garder un Crowford mais en plus larguée pour un autre homme ! Parce qu'ils étaient là les deux à pleurnicher sur leur sort, surtout le Beny qui avait tellement peur des regards extérieurs, mais est-ce que quelqu'un pensait un tant soit peu à ce qu'elle allait vivre elle quand la vérité éclaterait et que Clarisse et les autres se moqueront ouvertement d'elle ? Aucun des deux n'y songeaient, ils s'en fichaient même qu'elle soit ridiculisée et blessée. Valandra n'avait jamais signée pour devenir la risée de tout leur milieu !

En entendant la déclaration d'Ezé à Benoît, Valandra détourna le regard en ayant l'air de tenter de masquer une étincelle de tristesse. Après tout, n'avait-elle pas expliqué à Benychoupinet qu'elle était amoureuse d'Ezéchiel ? Si cela pouvait le faire culpabiliser au moins le temps du chemin du retour, ce serait déjà ça de prit.

Merci, bonne soirée aussi, répondit-elle avec quelque chose comme un petit sourire un peu triste avant de se reprendre quand l'autre imbécile les quitta enfin. Ça va aller toi ?, demanda-t-elle à Ezéchiel avec douceur et un sourire réconfortant, le plus innocemment du monde, cachant à merveille sa joie de voir la pâtissier leur foutre la paix.

Tu veux bien m'accorder une danse ?, demanda-t-elle avec une petite moue volontaire tout en lui prenant la main pour le tirer sur la piste de danse.